comme des poissons dans la ville

Mathieu Vacon, Journal de la Haute-Marne, 5 mai 2004

 


Des aquariums un peu particuliers poussent aux quatre vents de la cité depuis lundi. Un trône déjà place de l’hôtel-de-ville, l’autre s’achève square Winston-Churchill. Ensuite, la sous-préfecture puis l’espace Camille-Claudel seront investis. Décalé, l’artiste Alain Bresson propose la vision d’une société qui doit éviter de noyer le poisson.

Ils n’ont plus besoin de vivre sous l’eau. Ils sont pour la plupart morts. Alors les poissons en bois, caoutchouc, résine et terre cuite, confectionnés par Alain Bresson, s’exposent au grand air. Celui de la cité bragarde, depuis lundi. Déjà sur la place de l’hôtel-de-ville, l’œuvre fait tourner les têtes. C’est la seule qui, dédiée aux enfants, se veut «ludique». Couleurs chamarrées et allures fantaisistes l’attestent. Pour le reste, la vision est plus «austère». Square Winston-Churchill, “Une assemblée de VIP” présentera des poissons en caoutchouc, décharnés et pendus par la queue.

Vendredi, le parc de la sous-préfecture accueillera un “Cheval colporteur d’eau” métallique et ses compères aquatiques aux «gueules effrayantes».

Eveiller les consciences

La source d’inspiration ? «Je me suis aperçu que sur les étals, les poissons ont la tête coupée. Les commerçants disent que les têtes font peur aux gens, et donc qu’ils en vendent moins, avance l’artiste avant de préciser : Je me suis dit qu’une société qui n’accepte plus de voir ce qu’elle mange est une société en état de déliquescence.» Lui rêve d’aliments séchant librement dans les cuisines, d’une nourriture retrouvant son statut d’antan. «On a fait disparaître la bouffe», regrette le sculpteur.

Plus généralement, l’artiste bourguignon pointe certaines faiblesses de notre société. A travers son séchoir à poissons, par exemple, il stigmatise les barres d’immeubles, «où les gens sont entassés, prisonniers d’un lieu». Son engagement artistique : éveiller les consciences, éviter que les gens se voilent la face.

L’exposition se poursuit ensuite le 21 mai, à l’espace Camille-Claudel. La salle recevra un poisson ailé, métallique, de 6 m sur six.

Respecter les œuvres

Les commerces de la ville jouent aussi le jeu, en exposant des figurines réalisées par l’artiste. Un fléchage à la craie sera réalisé à même le sol par les ateliers d’arts plastiques. L’œuvre éphémère indiquera le circuit à suivre entre les œuvres. «Ce qui est important, c’est que les artistes viennent dans la rue, ne soient pas confinés dans les musées», apprécie Alain Bresson.

Une seule recommandation : respecter les œuvres, qui baigneront librement dans la ville jusqu’au 22 août, fin de l’exposition.

Que le travail accompli ne finisse pas en queue de poisson.

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