l’artiste arctique

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article paru dans libération-voyages du 14 octobre 2008.

Derrière la somptuosité des éléments de la côte Nord-est du Groenland se dresse le combat permanent. Alors, il me fallait montrer le combat du monde que j'ai vu et deviné sans le voir tout à fait. La mer, plus le vent glacé, plus les montagnes arides et le combat pour la vie y est plus fort qu'ailleurs. Et puis il y a cette glace, cette glace de terre ou de mer, partout, somptueuse, majestueuse, lente à se déplacer, mais qui peut à tout instant se mettre à broyer celui qui s'en approche. Une simple feuille envoyée par le vent et la feuille sera noyée au moindre rayon solaire. Et pourtant ce n'est que de l'eau. Et si le froid réapparaît, la feuille sera prisonnière pour des années. Et l'homme là-dedans ? Il est pareil. Il doit rester en éveil permanent. A travers le chabot, ce poisson à la gueule démesurée, j'ai montré ce combat. La mort du chabot pour la vie de l'homme. Le chabot qui mange le chabot, le chabot qui avale le chabot, le chabot... le chabot qui enfourche, qui déchire, qui hurle, qui égorge, qui lacère, mais aussi le chabot qui danse avec l'un de ses prédateurs, le couteau ou le pic. Dans les pays riches la mise à mort animale a disparue, volée à nos regards pasteurisés, aseptisés. Ces poissons que j'ai mis en scène, s’ils apparaissent comme une expression violente, sont dans certains pays un gage de fraîcheur... L'exposition des viscères est un repère de qualité. Dans nos pays nous ne savons plus rien de cela, et le poissonnier qui s'y risquerait perdrait son crédit.Notre monde aseptisé nous a fait oublier le combat pour la vie.


alain bresson

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à consulter : une galerie de photoscongelation.html